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Histoires réelles ou fictives?
12 novembre 2008

L'art de regretter après coup

Ce matin très tôt, j’avais un rendez-vous à l’hôpital. À cause d’un début de mal de gorge, je m’étais bien emmitouflée et heureusement car ce devait être le matin le plus froid de la saison. Il y avait du frimat sur le gazon et, comme à chaque fois où il fait froid, mes yeux et mon nez coulent. Presque immanquablement je me fais demander si ça va par un passant qui croit que je pleure. Je déteste lorsque ça arrive. Je déteste me faire aborder par un inconnu lorsque je pleure et j’ai toujours un profond malaise en présence d’une personne qui m’est étrangère et en larmes. Il y a de ces moments qui laissent perplexe dans la vie.

 

Mardi soir, il y a deux semaines. Je suis à l’université et j’assiste à un match d’impro. La partie est très intéressante mais mon café, mon Guru et ma bière me démontrent un grand désir de sortir. J’essaie tant bien que mal d’attendre à la mi-temps mais après la seconde impro ça devient trop pressant; je n’arrive plus à me concentrer sur ce qui se déroule dans l’improvisoire.

J’étais sur le point de sortir de la cabine lorsque j’entends la porte des toilettes s’ouvrir avec fracas et les sanglots d’une fille. J’attends qu’elle soit dans une cabine avant de quitter la mienne. En me lavant les mains j’avais ses sanglots en musique de fond et mon malaise pour me tenir compagnie. J’entendais que ça remuait dans la cabine mais j’entendis surtout un «Câlisse!». Je me dirigeai vers la cabine adjacente à la sienne, décrocha le rouleau de P-Q et le passa sous la cloison qui nous séparait.

« Tiens. Je crois qu’il n’y en a plus de ton côté. »

Elle me murmura un « merci » et saisi le rouleau que je lui tendais. En temps normal, je serais partie immédiatement ma B.A exécutée. Mais j’en étais incapable. Il y avait quelque chose, une impression étrange, qui m’ordonnait de rester. Je ne sais pas comment c’est sorti de ma bouche mais je me suis entendue dire :

« Tu veux en parler? »

- Bin voyons! Je te connais même pas… »

Sa première phrase avait presque été criée. Un mélange de surprise et de sarcasme dans le ton. Et, bizarrement, la deuxième phrase avait été à peine soufflée parce que sa peine prenait de nouveau toute la place.

« Justement! En plus j’ai pas de jugement alors je te jugerai pas. Pis je peux pas te regarder vu qu’on est chacune dans nos compartiments. »

Elle considéra la chose un moment et décida de se lancer. Elle me raconta qu’il y a un an et demi, environ, elle avait rencontré un homme vraiment beau et sexy. En apprenant à le connaître, elle s’était rendue compte qu’en plus il était gentil, drôle, intelligent, cultivé, etc, etc… Ils sortaient ensemble depuis huit mois, les choses allaient bien. Ils avaient des projets. Mais sans raison particulière, la veille, il l’avait laissé. Il lui avait donné des explications un peu floues et la conversation avait été, dans l’ensemble, incohérente.

« Là tu dois te demander pourquoi j’ai une crise de larmes ce soir si c’est arrivé hier. »

Je n’eu pas le temps de répondre qu’elle m’apprenait qu’elle venait de recevoir un courriel de sa part disant qu’il s’excusait de son comportement étrange de la veille mais qu’il ne revenait pas sur sa décision. Il lui demandait aussi de ne pas le contacter. Il avait besoin d’être seul.

« Je sais tellement pas quoi te dire! Je vais me taire au lieu de dire des conneries.

- Ouais, j’en ai déjà assez entendu de même. « Bin voyons ma grande, un de perdu dix de retrouvés! » ou bien « Tu sais il y a rien qui arrive pour rien. Si ça arrive c’est parce que tu as quelque chose à apprendre » ou bien…

- Le temps arrange toujours les choses? »

Elle a approuvé. Nous avons discuté encore un moment et j’ai réussi à la faire rire un peu. Je suis sortie de ma cabine après m’être assurée qu’elle allait mieux. Je préférais partir avant elle. Pour qu’elle n’aie pas la malaise de me voir en face et pour qu’elle puisse prendre le temps qu’elle voulait pour sortir de son compartiment.

Avant de retourner au match d’impro, j’ai fait un détour par le lab informatique; j’avais envie d’envoyer un courriel à mon amoureux. Sur le trajet qui me ramenait au local d’impro, j’ai croisé une jeune femme à peine plus grande que moi, les yeux bouffis et le nez rougit d’avoir été trop mouché. Je l’ai reconnu immédiatement. Je savais qui elle était mais elle, elle ne me connaissait pas. Cette fille sortait avec l’Homme. Celui pour qui j’avais eu un béguin fou pendant plus d’un an. Celui que je préférais éviter pour préserver mon cœur d’un quelconque cataclysme. Cette fille, je l’ai souvent jalousé. Parce qu’elle sortait avec l’homme qui chavirait tout mon  être mais aussi parce que malgré son jeune âge, elle avait accompli beaucoup plus de choses que moi. Cette fille que j’avais tant enviée, idéalisée et que je croyais toujours joyeuse, je venais de passer plus d’une demi-heure à la consoler dans les toilettes. Bien que je m’étais toujours dit que le jour de leur rupture serait un grand jour pour l’Amérique (ou du moins pour moi), je ne parvenais pas à éprouver une once de joie. Je me sentis coupable d’avoir si souvent espéré ça. À cet instant précis, j’ai su que ça allait me retomber sur le nez un jour ou l’autre. Je ne pouvais pas m’en tirer à si bon compte…  

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