une semaine à GhostTown
C’est officiel,
depuis près d’une semaine je n’habite plus Montréal mais GhostTown. Tout a
commencé lundi soir lors d’un vernissage. Je promenais ma coupe de vin et mon
air perplexe dans la galerie tout en observant les œuvres exposées. Je suis
très concentrée sur une immense sculpture en bronze lorsque j’entendis que l’on
me glissa à l’oreille :
« Manges-tu
toujours du yogourt aux framboises avec des doritos? »
J’ai
figé sur place. Très peu de gens m’ont vu manger ce drôle de mélange. Je me
retournai et me retrouvai devant Mathias, un artiste dans la fin trentaine au
charme fou mais au talent discutable avec qui j’avais vécu une courte aventure
des plus intenses au cours de l’été dernier. Pour une raison qui m’était
toujours obscure, il n’avait pas retourné mon dernier appel. Nous avons discuté
un temps ensemble et bien qu’il ne m’avait pas donné signe de vie depuis des
mois, je ne me sentais pas capable de lui en vouloir. Je trouvais dommage la
tournure des événements mais je ne lui en voulais pas réellement au fond de
moi-même.
Mercredi
soir, je suis dans un bar où des amis disputent un match d’impro. Je suis
accoudée au bar en attendant ma bière lorsque j’entends un signal d’alarme
résonner dans ma tête. Je me retourne soudainement et aperçois Octave qui parle avec des gens près
de la porte. Octave est un technicien sur les plateaux de tournage et s’occupe
généralement de la sonorisation. Nous avions été des amants occasionnels au
cours de la dernière année. Dans cette histoire, c’est moi qui a cessé de lui
téléphoné et je ne sortais plus au bar où il a l’habitude de se tenir. Je n’avais
plus vraiment le choix d’agir ainsi; cet homme était la pire influence qui soit.
Un aller direct pour la débauche et le fond du tréfond. À son contact, je
perdais tout sens des responsabilités de même que toute forme d’ambition et mon
amour propre. Inutile de dire que je suis retournée bien sagement m’asseoir à
ma table en faisant en sorte qu’il ne me voit pas.
Jeudi
soir, donc hier, je suis au show de Karkwa avec un ami et je trippe ma vie. Je
savoure pleinement les talents musicaux du groupe lorsqu’un petit couple vient
se planter devant moi et commence à se minoucher (Wtf que tu fais ça dans un
show!). Je ne leur porte pas vraiment attention mais la partie masculine du
couple symbiotique se retourne soudainement et en me voyant ses yeux se mettent
à me fusiller. Littéralement. Frank est à moins d’un mètre de moi et il me gueule
par-dessus la musique :
« Ah
bin câlisse! Je pensais pas que t’étais encore vivante. Pourquoi tu m’as pas
rappelé si t’es pas morte? »
Tout
en moi avait envie de lui dire que si je ne l’avais pas rappelé six moi plus
tôt c’était parce que les dépendants affectifs, je ne suis pas capable. Qu’on
avait rien en commun, qu’il s’habille comme Frippe et Pouille pis que ça m’énerve
mais surtout – point vraiment important – je n’aime pas me retrouver humecter
de bave jusque dans le haut des joues lorsque j’embrasse un gars, c’est
dégueulasse. On s’entend tu pour dire que la technique St-Bernard n’est pas
vraiment un turn-on. Mais bon, je n’allais tout de même pas lui dire ses quatre
vérités devant sa nouvelle copine. Je me suis donc contentée de lui dire que j’avais
eu une période vraiment intense de travail et que j’avais travaillé près de 80
heures par semaine pendant plus d’un mois, ce qui n’était pas totalement faux.
Et que lorsque ça c’était finalement calmé, je me sentais trop mal de le
recontacter après un si long silence. Suite à ces explications, il n’a rien
ajouté et s’est contenté de changer de place avec sa copine sans me dire « aurevoir ».
Comme
si la soirée n’avait pas déjà atteint son quota de « drama », j’ai
trouvé mon ex assis sur le pas de ma porte en rentrant chez moi.
« T’inquiètes,
je ne resterai pas longtemps. Je ne veux pas t’embêter. »
S’ensuivi
un silence où j’arborais mon air de «dis-moi-qu’est-ce-que-tu-veux-me-dire-bâtard »
et qui commençait à s’éterniser un peu trop.
« Je
veux juste te dire que je déménage. Ouais, j’ai été muté à Saskatoon. Je
préférais te le dire tout suite au cas où tu essaierais de me contacter plus
tard…
- Ok!
Bin bonne chance à Saskatoon! »
Je
suis passée devant lui, lui ai souhaité une bonne nuit et suis rentrée chez moi.
Vendredi
matin. Je suis devant la porte de l’organisme où je fais mon stage et je
cherche mes clés dans mon sac.
« Hey
la puce! Ça fait tellement longtemps. »
Oh
non, pas lui! J’ai eu la confirmation à ce moment que Dieu avait une dent
contre moi. Stéphane est un homme que j’avais fréquenté l’hiver dernier. À
première vue, il était l’homme idéal que j’avais toujours cherché : drôle,
intelligent, cultivé, beau, musicien, artiste, intello ET manuel (my god ça se
peut!!!) et j’en passe. Où était le hic? Le mec est un Pro-Vie persuadé que les
femmes qui ont recours à l’avortement devraient faire de la prison. Ça c’est
sans parler de ses nombreuses autres opinions ultra-conservatrices à propos de
divers sujets de société et du fait qu’il était très arrêté sur ses idées. Moi
qui est ouverte ou du moins essaie de l’être le plus possible, je trouvais
inconcevable de fréquenter pareille personne. Depuis la fin de notre
fréquentation, il la jouait comme s’il était indifférent face à cette situation
mais certains éléments démontraient le contraire dont sa manie de chercher dix
milles façons et raisons de me revoir ou de m’inviter à boire un verre. Il
était justement en train de m’inviter en me disant qu’on avait tellement de fun
ensemble. Je trouvai une façon de me défiler et rentrai dans l’édifice.
Au
cours de l’avant-midi, je repensais à ma semaine en me disant que Montréal était
rendue trop petite pour moi et pour contenir mes anciennes relations foireuses.
Je commençais à envisager de fuir la ville lorsque la sonnette de la porte
principale se fit entendre. Une de mes collègues se leva pour ouvrir. On venait
livrer des fleurs. Pour moi. Pour moi!?! La même collègue me tendit le bouquet
que je déposai sur mon bureau, déballai avec soin et saisi la petite enveloppe
pour en sortir la carte.
Je sais que c’est
cliché les fleurs mais je m’ennuie de toi. Vivement la fin de ta session et
celle de mon enregistrement.
Amoureusement,
-K-